1. Vous avez été élevé par des parents militants reconnus. Comment cette éducation radicale se reflète-t-elle dans votre travail aujourd'hui ?
Mon éducation a eu un impact considérable sur moi, non seulement sur mes valeurs, mais aussi sur ma façon d'évoluer. J'ai grandi dans un foyer où le militantisme n'était pas abstrait ; il était incarné au quotidien. Mes parents vivaient selon leurs convictions, et ce sens du devoir – celui d'aligner sa vie sur des engagements éthiques plus profonds – m'est resté. Cela m'a appris à remettre en question les discours dominants, à faire de mon mieux pour être sensible à l'injustice et à croire que le travail créatif peut être, à un certain niveau, une vocation.
2. Votre art est à cheval entre théologie et mythe. Qu'est-ce qui, pour vous, relie ces influences ?
Je pense que mon travail repose essentiellement sur la dissection et la reconfiguration : il s'agit de décomposer les récits, les symboles et les structures qui ont façonné mon éducation et de les reconstituer sous de nouvelles formes. La théologie et le mythe ont été fondamentaux pour ma compréhension du monde enfant. Ce qui relie tout cela, c'est une volonté d'examiner les mécanismes de la croyance – comment les récits, les rituels et les images créent du sens et du pouvoir –, de déconstruire et de reconstruire ces formes et ces symboles avec soin, pression et ouverture à ce qui pourrait en émerger.
3. Vous construisez souvent des mondes immersifs : s’agit-il de rituels imaginés pour d’autres ou de rituels profondément personnels rendus visibles ?
Je les considère comme des structures mémorielles – en partie personnelles, en partie collectives, en partie imaginées. Comme les souvenirs, elles sont fragmentées, semi-lisibles et en constante évolution. Certains éléments sont ancrés dans mon vécu ; d’autres sont issus de mythes, de théologie ou de rêves. Je ne cherche pas nécessairement à prescrire un rituel aux autres, mais plutôt à construire un espace où quelque chose peut être ressenti ou reconnu, même de manière abstraite.
4. L'iconographie religieuse est au cœur de votre pratique. Comment vous situez-vous par rapport au catholicisme aujourd'hui : challenger, héritier ou alchimiste ?
Je ne m’identifie pas complètement à aucune de ces étiquettes. Au contraire, je me considère plutôt comme un excavateur.
Je n'aborde pas ce travail avec un objectif précis. S'il y a une régularité dans ce que je crée, c'est parce que je tourne constamment autour de certains thèmes : l'histoire, la mémoire, la théâtralité, les structures de pouvoir. Je pense aussi que j'essaie de comprendre ce qui vaut la peine d'être sauvé et pourquoi nous agissons comme nous le faisons. C'est une sorte d'excavation métaphysique. Mais je ne m'installe pas avec une thèse en tête. Ce sont simplement des lieux auxquels je me retrouve. Je me méfie de l'intellectualisation excessive, car, pour moi, c'est là tout l'intérêt de l'art : cela me permet de me confronter à ces choses d'une manière que le langage ne permet souvent pas.
5. Qu’est-ce qui vient en premier dans votre processus : le concept, l’objet ou le rituel ?
Souvent, je commence par écrire. Ce n'est pas toujours soigné ni même destiné à être lu par tous, mais cela m'aide à saisir l'atmosphère ou la logique d'un monde avant de commencer à le construire. L'écriture ouvre des possibilités : elle donne forme à des instincts qui ne se sont pas encore matérialisés visuellement. Mon père était écrivain, donc je suppose que cette impulsion est profonde, même si je ne me considère pas particulièrement doué pour cela. J'apprécie l'espace narratif qu'elle crée. Cela dit, je ne suis pas rigide. Parfois, un objet ou un matériau ouvre la voie, et je le suis. D'autres fois, un geste performatif ou un instinct rituel fait surface en premier. J'essaie de rester réceptif à ce qui veut émerger.
6. Vos personnages textiles ressemblent à des avatars mythiques. Sont-ils des extensions de soi ou des substituts de quelque chose de plus grand ?
Je ne suis pas sûr qu'il y ait une distinction claire entre les deux. À mes yeux, le personnel et le mythique sont profondément intriqués. Les figures que je crée peuvent surgir de l'intérieur, mais elles portent aussi une portée archétypale : elles puisent dans quelque chose de plus grand que moi. Je les considère comme des réceptacles ou des projections, mi-moi, mi-histoire, mi-résidu collectif. Elles portent en elles des contradictions, tout comme les gens. Alors oui, ce sont des extensions de moi-même, mais elles me dépassent aussi, façonnées par des forces et des lignées que je cherche encore à comprendre.
7. Qu’est-ce qui vous attire dans des matériaux comme les cordons élastiques, les bancs ou les vêtements ecclésiastiques ?
Je suis attiré par les matériaux à la fois sacrés et industriels, des objets porteurs de symboles, mais aussi évoquant la survie, la crise et le vécu. Les sandows, par exemple, sont synthétiques et utilitaires, tandis que les bancs d'église ou les vêtements religieux ont une forte résonance spirituelle et historique. Leur association crée une tension, quelque chose d'étrange. Ils fusionnent le sacré et le profane. J'aime quand les matériaux semblent familiers mais légèrement décalés, disloqués de leur fonction première et réassemblés en quelque chose de chargé et d'étrange.
8. Parlez-nous de votre prochain film *Salvation Machine: A Mass of Abwoon Dominus.
Machine du salut est un court métrage sur l'agentivité et la condition de rejet – le sentiment déstabilisant d'être enfermé dans des structures préexistantes de croyance, d'autorité et de sens. Il suit une figure de prêtre vêtue d'un smoking et d'un masque doré. Le film retrace une procession qui débute dans des champs champêtres et progresse lentement dans les bois, où les fidèles se rassemblent dans un anonymat respectueux pour un rite ambigu. Il intègre également une musique d'ambiance du brillant compositeur Thomas Hunter. Je n'aurais pas pu mener à bien ce projet sans son soutien indéfectible et celui d'autres personnes. Ce fut une grande leçon d'humilité de travailler avec un groupe aussi talentueux. Des projections sont prévues au Wassaic Project pendant l'Upstate Art Weekend et à Queensway Television à Singapour, une antenne de la DDDD Gallery à New York. D'autres projections sont prévues prochainement.
9. Votre film sera projeté en avant-première au Roxy Cinema de New York et sera projeté au Wassaic Project dans la vallée de l'Hudson et à Queensway Television à Singapour dans les prochains mois. Comment les différents espaces modifient-ils votre approche ?
Je suis très sensible à l'espace et au contexte. Roxy sera un lieu de projection théâtrale avec une conférence et une séance de questions-réponses. C'est une première pour moi, alors je suis ravi et reconnaissant de présenter mon nouveau film dans ce contexte. Au Wassaic Project, je participe à l'exposition collective estivale So It Goes, où j'exposerai six sculptures dans une salle dédiée. L'espace est construit avec une sensibilité de chapelle horrifique, théâtrale dans sa présentation. En revanche, la projection à Queensway Television à Singapour consiste en une projection d'un mois de mon film. Il s'agit d'une installation plus ciblée, temporelle, où l'environnement est structuré autour du film lui-même.
10. La performance semble intégrée à vos installations. Votre travail est-il destiné à être vu ou vécu ?
Je dirais que c'est fait pour être vécu. Je pense qu'en tant qu'êtres humains, nous ne pouvons souvent pas nous empêcher de nous placer dans le cadre narratif : nous nous projetons, nous imaginons, nous nous insérons. Pensez aux films et à l'osmose cinématographique qui s'opère. C'est peut-être ce que je recherche avec mes installations : cet instant d'alchimie où le spectateur se glisse dans le cadre, où la frontière entre le témoin et l'habiter se dissout. Il ne s'agit pas de raconter une histoire au sens littéral du terme, mais de susciter une sorte de conscience de soi cinématographique ou mythique. J'espère que l'œuvre deviendra un espace où quelque chose d'intérieur s'active. Le point de référence, c'est toujours nous-mêmes : nos corps, nos souvenirs, nos mythologies. J'essaie donc de créer des œuvres qui invitent à ce type d'activation intérieure.
11. Pensez-vous que le monde de l’art est désormais plus ouvert aux pratiques hybrides, ou travaillez-vous encore en marge ?
Je pense que le monde de l'art est certainement plus ouvert aux pratiques interdisciplinaires et hybrides. En même temps, ces pratiques exigent souvent davantage de la part des institutions : plus d'espace, plus de soutien à la production, plus d'investissement curatorial. Ainsi, malgré l'intérêt suscité, il peut s'avérer difficile de trouver des structures prêtes à soutenir pleinement l'ampleur ou la complexité des œuvres.
12. Dans quel espace émotionnel souhaitez-vous que les spectateurs habitent lorsqu’ils découvrent votre travail ?
J'essaie de ne pas imposer une réaction émotionnelle – c'est au spectateur de décider. Mon objectif est de créer une atmosphère chargée, un espace qui stimule plutôt qu'il n'instruit. Si l'œuvre suscite un sentiment – qu'il s'agisse d'inconfort, de curiosité ou d'un sentiment plus difficile à nommer – alors elle remplit son rôle. Je m'intéresse davantage à créer les conditions d'une expérience qu'à prescrire son déroulement.
13. Comment des résidences comme le Vermont Studio Center ont-elles eu un impact sur votre travail et votre rythme ?
Le Vermont Studio Center a été une expérience incroyable. J'ai eu l'immense chance et la plus grande gratitude d'y avoir participé en tant que lauréate Emily Mason et Wolf Kahn, et d'avoir bénéficié d'un financement complet. Ce soutien m'a permis de me concentrer pleinement sur mon travail, me donnant du temps, de l'espace et une liberté face aux pressions quotidiennes, un privilège rare. Le personnel – de l'administration à la cuisine, en passant par les installations et les techniciens artistiques – était généreux et bienveillant, et la communauté d'artistes a créé un environnement vraiment privilégié. Ce fut une période de croissance enrichissante, et j'espère vraiment y retourner.
14. Vous avez utilisé Pixpa Pour votre site web depuis plus de dix ans. Qu'est-ce qui vous a permis de rester fidèle à cette plateforme pendant toutes ces années et comment a-t-elle accompagné l'évolution de votre pratique ?
Pixpa a été une plateforme formidable pour moi au fil des ans. Ce qui m'a convaincu, c'est son côté humain : je peux poser une question ou un problème et avoir une réponse de quelqu'un, ce qui est rare et extrêmement appréciable. Son utilisation est également très intuitive, ce qui me permet de mettre à jour et d'adapter mon site facilement à mesure que mon travail évolue. Cette combinaison de fiabilité, de réactivité et de simplicité en a fait un partenaire fiable pour mon activité.
15. Si quelqu'un voit votre travail pour la première fois, qu'espérez-vous qu'il retiendra ?
Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, car ce n'est pas mon domaine, mais j'espère que cette œuvre laissera une atmosphère chargée et légèrement étrange. Pas un message, mais une impression persistante. Si cela incite quelqu'un à réfléchir à sa place au sein de forces plus vastes, même brièvement, tant mieux.
Envie de découvrir le travail exceptionnel de John ? Voici un lien vers le site de Jean construit en utilisant Pixpa.